Ce duo d'(anciens) otakus (présumés) français (cocorico), inspirés autant par Le Voyage de Chihiro, que Pink Floyd et la faune et la flore sauvages, nous propose à la fois un voyage dans le temps, dans l'espace, et dans leur imaginaire qui synthétise et dépasse les influences précédemment nommées. Oui, tout ça.
Moogy Moon, c'est deux camarades de fac qui font de la musique ensemble, "sans se prendre la tête", en appartement, tranquilles. 15 ans plus tard, ils décident de se réunir à nouveau pour cristalliser leurs inspirations et en montrer le résultat au monde. Toujours chez eux, ils enregistrent et mixent eux-mêmes leur musique. On ne sait rien d'autre sur ces deux garçons. Un peu comme Daft Punk (à l'époque), mais sans les casques : pas besoin car Moogy Moon ne se produit pas en live, il œuvre dans l'ombre, à la manière d'une panthère des neiges qui, à l'état sauvage, ne s'expose pas au regard humain.
Sobrement appelés "LP1" et "LP2" (LP pour "Long play", d'une longueur supérieure à EP, "Extended play"), les premiers albums semblent faire l'inventaire des possibilités sonores des deux musiciens, et revêtent un caractère plutôt expérimental. En effet, ces premières sorties contiennent tout l'avenir de Moogy Moon, mais de manière composite. Il faut être plutôt créatif dans son écoute pour trouver un fil rouge du premier au dernier titre. Les morceaux électro quasi ambient, introspectifs et très délicats, alternent avec des morceaux rock accueillant une guitare assez libérée, voire libérale (au sens littéraire du terme). On a l'impression qu'il y a deux visages, deux mondes différents qui se tournent autour sans se rencontrer, comme la création pas encore totalement aboutie d'un savant fou composant des chimères sans arriver à égaler des créations divines. J'avoue, je peux sembler dur, mais j'en fais des tonnes aussi car je connais la suite de l'histoire, et il faut bien qu'il y ait des rebondissements dans cet article.
Telle la Lune en mouvement autour de la Terre sans jamais lui tomber dessus, l'équilibre de la juste distance entre les forces de Moogy Moon - précédemment évoquées - est atteint au troisième album, "Epilobe : variations sylvestres". Déjà, l'album a été pensé d'une manière globale en tant qu'hommage aux films d'animation d'Hayao Miyazaki, et ses univers poétiques liant problématiques humaines et énergies (sur)naturelles. L'unité de forme de l'album, c'est le thème unique décliné en autant de développements que de titres (un peu comme une BO de film), ce qui était annoncé avec le terme "variations" dans le titre de l'album (premier album portant un nom, "j'ai un nom ergo sum"). Outre ses aspects japonaisement vintage, et des éléments électro très doux et ronds, on y perçoit aussi des atmosphères psychédéliques totalement Pink Floyd, avec les morceaux qui prennent leur temps, leurs temps, contemplatifs, mais aussi suffisamment riches et animés pour être écoutés comme une pop qui ne cède jamais à la moindre facilité ni cliché.
Dans leur quatrième album, "Le Chant de l'Arbre", sorti il y a quelques jours (le 11 octobre 2023), on retrouve les mêmes éléments mais avec d'autres proportions. Les sonorités purement électro sont poussées vers le fond, voire la sortie. Il y a moins de nappes qui tiennent la matière instrumentale, ça tourbillonne davantage, Aux côtés des claviers électroniques de type Rhodes, pour des morceaux plus posés, on trouve des guitares qui s'affirment dans des morceaux rock prog planants et rythmés à la fois, denses et hypnotiques avec une 6-cordes ou une sitar qui connote subtilement le tout, Toujours le même soin apporté aux mélodies, et aux percussions, avec des solos épiques dans des morceaux plutôt dansants grâce notamment à une basse exquise. Ecouté d'une traite, cet album n'est pas une BO de film, mais est le film : les images se projettent automatiquement dans votre tête dès les premières secondes. Ce rock progressif ne sue pas, il n'intellectualise pas, il se livre à cœur ouvert avec toujours un petit quelque chose de mélancolique, à moins que ce ne soit ma culture de presque quarantenaire qui n'oriente mon écoute vers cette joie d'être triste (définition de la mélancolie par ce brave Victor) inspirée, je crois, par une ancienne conscience de la nature, paradoxalement aussi immesurable que fragile, voire temporaire. Une ancienne conscience, à l'époque où l'on regardait les brins d'herbe vibrer au gré du vent. Dans les années 90, j'étais fan des musiques des animés qui passaient à la télévision et qui portaient en eux cette conscience de la nature, une certaine idée d'une transcendance indicible précisément avec des mots, mais plus justement par des instruments. Je me sentais profondément touché par leurs couleurs mélancoliques, tristes ou épiques ou un peu les deux : Saint Seiya, Dragon Ball, City Hunter... Il y avait aussi des musiques de ces tonalités-là dans les jeux vidéos : Tekken, Ridge Racer, Final Fantasy (j'étais un Playstation boy). On retrouve d'ailleurs certaines de ces BO dans la programmation de Radionysos.
Alors, forcément, quand on ré-entend quelque chose dans ce goût-là en 2023, on multiplie la mélancolie par la nostalgie. Et avec Moogy Moon, ça multiplie fort. 🔵 Facebook :
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