Le 30 octobre 2023, c'était la Release Party pour Glass Town au Pop Up du Label. Pour fêter ça, ils ont invité Bleu Reine et Animal Joy Club en première(s) partie(s). Il y a trop de choses à dire alors je vais vous faire un debrief en trois articles. Premier de la série : Animal Joy Club. Un groupe imprévisible, c'est rare. Et quand j'en vois (et entends) un, c'est toujours une joie. L'humain étant un animal, je peux donc rejoindre le club de la joie animale. CQFD.
Cette soirée au Pop Up du Label a très bien commencé. Nous avons eu la chance, et le temps, d'obtenir une table sans réservation, et nous nous sommes régalés : le poulet était parfait, la grosse pomme de terre exquise et la sauce succulente. Le dessert, un délicat craquelin au café, était la parfaite conclusion d'un repas assez rapidement servi, et très rapidement mangé, parce qu'on ne voulait rien manquer de cette grande soirée musicale. Nous sommes descendus dans la salle pour les concerts. C'était surprenant de voir un serveur du restaurant descendre pour nous retrouver et nous demander de "payer la note du restaurant s'il vous plaît". C'était déjà payé, il n'avait pas eu l'info. Mais il avait mené l'enquête et nous avait retrouvés. Chapeau. Mais c'était tellement bon qu'on n'était pas fâché de cette relance. Le concert d'Animal Joy Club venait de commencer, cette mésaventure ne m'a pas sorti de ma concentration. Avec ce trio anglo-français, on a encore une nouvelle démonstration que les vrais rebelles jouent sur Squier sans pour autant faire de compromis sur la qualité du son. Cette pop à la guitare cold-war-kidsienne (avec la reverb à ressorts, tu sais) :
- aux signatures rythmiques potentiellement instables (dans un morceau en 4/4, on a des mesures en 5/4 et d'autres en 7/4)
- et aux progressions d'accords potentiellement inattendues (on a du majeur quand on devrait avoir du mineur)
n'a en fait rien à voir avec Cold War Kids au final. Toutes ces "anomalies" rythmiques et tonales sont déroutantes, sans jamais être une déroute musicale. On est loin de la recette des 4 accords magiques.
Animal Joy Club peut commencer ses morceaux comme des ballades, avec des mélodies soignées et tranquilles, mais ça finit toujours en envolées rock psyché où ça crie et ça cogne dans la guitare. De l'innocence à la colère, de la lumière à l'obscurité, de l'ordre au désordre, du calme à la tempête.
En parlant d'ordre, aucune filiation détectée avec Joy Division (ordre, New Order, vous l'avez maintenant), même si on pouvait l'imaginer avec la mention du mot "Joy" dans le nom du groupe (oui, les obsédés voient ce qu'ils veulent voir). A priori le nom du groupe est tout de même un hommage à Animal Collective, Joy Div et Black Rebel Motorcycle Club. Laissez-moi croire que j'ai résolu cette énigme. Les morceaux commencent avec beaucoup d'intelligence et d'application, jusqu'à autodestruction, comme quand on essaye de rester digne, mais tout est trop fatigant et finalement y'en a marre. Imaginez un animal qu'on a trop tillé et qui finit par montrer les crocs, ou un enfant poli qui finit par piquer une crise et envoie toutes les assiettes valdinguer parce qu'il ne veut pas manger le foie de veau préparé par sa mère (Bah oui, fallait l'emmener au Pop Up du Label, c'est meilleur). Animal Joy Club, c'est exactement ça : mignon, jusqu'à l'explosion.
L'apparente candeur du chanteur (Andy Clarke) ajoute un petit grain de surréalisme à la recette globale emplie de poésie "primaire" (dans les trois sens du terme) et de violence. Sa présence charismatique est parfois théâtrale sans jamais être emphatique. Ce petit garçon (ou pré-ado, selon les moments) dans ce corps d'adulte sait être sobre et spectaculaire à la fois, dans une retenue touchante qui suffit à faire mouche. La dernière fois que j'ai perçu ça, c'était à un concert de Daniel Johnston. Entre deux morceaux :
"Est-ce que vous êtes calme et bien dans votre peau ? Le plus important, c'est d'être bien dans sa peau. Si vous n'avez pas réussi votre vie, c'est pas grave, c'est pas grave, l'important c'est d'être bien dans sa peau. C'est pas grave si vous n'avez pas réussi votre vie, c'est pas grave."
A l'heure où j'écris ces lignes, l'EP "A New Place" sorti en octobre 2021 est la seule œuvre du groupe disponible sur leur Bandcamp (et pas sur les plateformes de streaming). Et quel EP ! J'y ai découvert une autre facette du groupe. Les conditions live sont différentes de celles de studio, où on peut toujours tenter des choses différentes. Dans ce premier EP on a un son à la Blur old-school, avec des guitares exquises, autant les saturées que les cristallines, une basse qui fait un câlin aux tympans, une batterie variée et précise, et une sorte de voix à la Damon Albarn. C'est frais, c'est créatif, c'est libre, c'est beau.
J'ai hâte d'entendre le prochain EP/album, pour pouvoir réentendre leur titre "Vegetable Parade" joué en live ce 30 octobre. Je ne vous en dis pas davantage, vous verrez (entendrez) par vous-mêmes.
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